Deux prêtres de la Congrégation de la Mission (Les Lazaristes de notre diocèse)  nous ont partagé généreusement leurs interventions. Merci à eux. Pour mieux les connaître, voici leur site en France : https://cmission.fr/

Bonne lecture. Bonne méditation. Bonne montée vers Pâques.

 

1- Le pardon (Par Père Vincent Goguey)

Notre thème de journée est « Osons le pardon ». Ce thème est développé en deux temps. Ce matin je vais être très terre à terre, je vais regarder que le coté humain de ce que peut être le pardon. Ça m’est un tout petit peu difficile car je sais que Dieu seul pardonne, qu’à nos propres forces nous ne pouvons pas y arriver. Mais il nous faut accepter de commencer basiquement. Cet après-midi, Christian nous ouvrira à la réalité profonde de notre foi : Être des êtres pardonnés en Christ. Nous aimerions parfois passer de suite à cette étape mais il y aurait le risque de ne pas bien prendre en compte notre humanité.  

Dieu accompagne notre humanité depuis le début, il fait un très long compagnonnage avec le peuple élu pour se révéler à lui d’une manière pédagogique. Comme on dit facilement « qui veut faire l’ange, fait la bête » Il nous faut donc prendre conscience de l’épaisseur humaine avant de devenir disciple du Christ.

Nous aurions pu regarder une vidéo sur l’évolution de l’être humain depuis le début de l’humanité ! Ça commence avec ce qui n’est pas loin d’ici, les grottes de Lascaux ! au départ l’humain est un cueilleur chasseur, il vivait en clan, il avait à se défendre de prédateurs, d’ennemis ; tout est donné de Dieu, il suffit de se servir pour prendre ce dont nous avons besoin. Puis petit à petit il va devenir éleveur agriculteur, c’est le virage qui amène la question de la propriété. Là c’est l’ouverture à la domination, à la jalousie etc. Pour limiter les dégâts que font les razzias entre les clans, car à l’époque si l’on venait tuer un homme dans mon clan, j’allais dans l’autre clan et je lui en tuais dix !!! Alors voici la loi du Talion : œil pour œil, dent pour dent. C’est déjà un progrès mais ça ne suffit pas ! petit à petit on va avancer avec les 10 commandements puis jusqu’à Jésus qui viendra tout bousculer. Mais plus l’humain se structure, s’organise en cités, plus il met des lois, des interdits, et l’on voit tout un arsenal d’armes défilé, commençant par de simples flèches puis des arcs, des sabres, des arbalètes, des canons, des fusils, des mitraillettes, des tanks, des chars, des avions de chasses, des bombes, jusqu’à la bombe atomique. Ça ne nous plait pas d’entendre cela et l’on pourrait penser que c’est « les autres » qui sont capables de ça, sauf qu’en moi il y a de quoi faire de moi un monstre ! Il faut oser se faire face, bien regarder la réalité de cette humanité qui peut tant faire en Bien qu’en Mal.   

Cette vidéo met en exergue bien des questions sur ce que produit et vit l’humain quel qu’il soit. Oser prendre autant de recul en partant de l’origine, en regardant l’ensemble de l’humanité est là pour mieux nous faire percevoir que ce que nous vivons chacun individuellement à des conséquences planétaires.

Nous pourrions avoir une première tentation, à la suite d’Adam, « je n’y suis pour rien, c’est la faute à l’autre ». C’est la tentation de la non responsabilité. Mais nous avons à être responsable de notre vie ainsi que de la vie de l’humanité. Ce que je pense, ce que je fais, ce que je dis, les relations que je tisse ou pas, les regards que je porte sur les autres, tout cela crée l’humanité.

De quoi est ce que je nourris mon esprit ? Est-ce de la nourriture qui me permet de construire une humanité plus en harmonie avec ce que Dieu veut ? Ce qu’il propose dans son alliance avec le Christ ou est-ce des choses qui laissent davantage poindre mes peurs, mes incertitudes donnant la responsabilité des problèmes de ce monde sur les autres ?

Dans l’évangile de Jésus au désert, on voit Jésus tenté par le Mal. Il le tente trois fois. Ce sont les trois tentations fondamentales : l’avoir, le pouvoir et le valoir. Le passage de cet évangile chez Luc se termine par « Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentation, le démon s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé. »

Trois tentations auxquelles le Christ donne trois antidotes.

Face à l’avoir, il donne le jeûne : c’est-à-dire apprendre à ne pas dépendre de nos instincts, savoir être maitre de sa propre vie et ne pas réduire celle-ci à nos envies ou à nos besoins.

Face au pouvoir, il propose l’aumône : plutôt que de chercher à s’imposer à l’autre, se mettre à son service pour créer ainsi la fraternité

Face au valoir, il nous invite à la prière : je sais que je ne suis pas le centre du monde, qu’il y a plus grand que moi et je me tourne vers Dieu pour lui rendre gloire.

La tradition de l’Eglise donne trois autres antidotes : la pauvreté, la chasteté, l’obéissance

Je n’ai pas besoin d’être sans cesse dans le superflu pour vivre décemment. Je peux largement me contenter de peu et lutter ainsi contre ce « toujours plus » qui vient dérégler mes priorités de vie.

La chasteté n’est pas d’abord une question de sexualité mais bien une question de liberté de la relation à l’autre. Ne pas s’imposer à l’autre mais veiller sans cesse à lui laisser sa liberté, à accueillir son cheminement qui lui est propre.

L’obéissance, c’est accepter de dépendre de quelqu’un. Qu’il puisse m’être proposé quelque chose dont je n’avais pas pensé, me mettre à l’écoute des appels que Dieu peut me faire en passant par d’autres ou par des évènements.

Prendre le temps de redire ces évidences permet de ne pas se tromper de cible. Trop souvent nous enfermons l’autre dans ce qu’il a fait de mal et nous voulons nous opposer à lui, nous voulons l’éliminer alors que c’est le mal qu’il faut éliminer et non l’autre qui est aussi un frère ou une sœur au moins en humanité. Nous croyons en un Dieu Unique, il est donc le créateur de toute chose et surtout de toute vie. Donc tout être humain est son enfant par conséquent nous sommes tous frères et sœurs. Ne pas tenir cela, c’est renier notre foi. C’est ne pas vouloir entendre la parole du Christ « aimez vos ennemis ».

Voilà donc le décor posé très rapidement et sommairement. Nous sommes partis de l’ensemble de l’humanité pour arriver à des prescriptions personnelles. Des éléments qui donnent des pistes à suivre pour mener à bien notre embarcation personnelle durant notre pèlerinage sur cette terre. Ça irait très bien si tout le monde s’y tenait totalement. Mais nous savons bien que cela n’est pas la réalité, il suffit de voir comment personnellement nous ne sommes pas toujours à la hauteur de cela. Il faut donc se poser la question de comment réagir face à une blessure dû à un autre, comme nous invitait la dernière question de la vidéo.

Osons décortiquer les mouvements qui se passent en nous lorsque l’autre nous blesse.

Face à une agression, à une violence, à une épreuve nous pouvons adopter trois attitudes principales. Nous les retrouvons même dans les réactions des animaux lorsqu’ils ressentent un danger.

  • Pourquoi le lapin reste figé au milieu de la route quand nous arrivons avec notre voiture. Il espère ne pas être vu et donc se fige. Idem pour nous. Je suis tétanisé, je ne peux plus bouger. Je n’ai plus aucune réaction car c’est trop violent. Je me mets en « pause » et je me repli au plus profond de moi pour préserver, protéger ce qu’il y a de plus sacré en moi.
  • Que fait le chevreuil lorsqu’il entend les chiens aboyer ? Il court. C’est la fuite. Idem pour nous. Face à une agression, je peux ne pas faire face, fuir dans de multiples activités ou préoccupations pour éviter de me laisser rattraper par ce que je perçois comme un danger.
  • Que fais le pitbull lorsqu’il sent un danger, un agresseur ? Il attaque ! Idem pour nous. Je peux même être agressif avant d’être attaqué car pour certains l’attaque est la meilleure des défenses ! Alors je repère les fragilités de l’autre et je les mets en avant dans mes discussions pour qu’on puisse fragiliser l’ennemi !

Selon notre tempérament, notre caractère, nous pouvons avoir une de ces attitudes plus développées que les deux autres mais nous avons les trois en nous et selon les circonstances nous allons utiliser l’une ou l’autre selon notre instinct ou notre discernement.

Il est nécessaire que nous nous défendions car nous avons à honorer notre vie. Mais nous pouvons aussi comprendre que le mystère du Mal vient nous perdre dans ses méandres car ces trois attitudes nous laissent dans un système de survie ! De là ne sort pas la paix véritable. Nous pouvons peut-être nous sentir soulagé d’avoir foutu une raclée à quelqu’un ou de lui avoir cloué le bec avec une super répartie mais nous sommes toujours dans le monde de la rivalité où l’on ne cherche pas à construire la paix véritable par le biais de la fraternité mais nous cherchons à imposer notre loi personnelle !

Car que reste-il en nous à la suite de ces attitudes ?

  • Je reste figé et je n’ose rien faire de ma vie.
  • Je cours toujours car celui qui dicte mes activités est mon ennemi auquel je ne veux pas faire face
  • J’agresse, c’est-à-dire que je me venge et le seul habitant principal de mon esprit est mon adversaire !

Or nous sommes chrétiens, c’est-à-dire que nous avons un idéal qui nous fait vivre. C’est le Christ qui jusque sur la croix offre son pardon.

Quelques clarifications de bases

On entend souvent, je pardonne mais je n’oublie pas ! Bien évidemment que le pardon n’est pas l’oubli. Je peux te pardonner de m’avoir coupé la main mais je ne peux pas oublier que je n’ai plus de main !

Osons décortiquer le mot pardon en deux mots : par don ! C’est-à-dire que normalement tu n’y as pas droit mais c’est un don que je te fais !

Il y a différence entre pardon et réconciliation. La réconciliation c’est de retrouver celui avec qui j’ai eu un différent qui a suscité une blessure, un non-respect et avec qui je décide de continuer le chemin. Le pardon est avant tout une démarche intérieure où je décide d’enlever de moi le dar de la blessure qui envenime ma vie au quotidien.

Le premier bénéficiaire d’un pardon, c’est celui qui le donne. Même si celui qui le reçoit peut aussi grandement y trouver joie, réconfort et nouvelle vie.

La blessure (ou l’offense) nous amène à nous replier sur nous-même, à être dans l’obscurité, elle suscite la méfiance, elle pousse à la généralisation. Tous les noirs sont des fainéants, tous les arabes sont des roublards, tous les gitans sont des voleurs, tous les hommes ne pensent qu’à abuser etc. etc. Elle nous pousse aussi assez souvent à avoir la posture du Caliméro, vous connaissez certainement ce petit poussin noir avec sa coquille blanche qui trouve que « c’est vraiment trop injuste, personne ne m’aime et ça n’arrive qu’à moi ». Se mettre dans la posture de la victime n’aide pas à assumer notre vie. Nous avons à nous en dégager pour tenir debout et assumer notre vie telle qu’elle est. La gloire de Dieu c’est l’homme debout, disait st Irénée.

Il faut aussi penser que bien souvent nous sommes notre pire ennemi. Combien de fois nous nous dénigrons, nous nous en voulons très fortement et nous n’arrivons pas à nous pardonner à nous-même ! Là aussi il nous faut assumer ce que nous faisons mais aussi il nous faut avancer sur un chemin de pardon. Là on sent très bien que le jugement, la condamnation sont mortifères.

Oser le pardon, c’est oser regarder courageusement la réalité. Elle n’est ni toute rose ni toute ténèbres.

Contrairement à ce que l’on peut entendre facilement, le pardon n’est pas pour les faibles, bien loin de là. Il est nécessaire d’être courageux, d’avoir une véritable vision de ce que doit être la vie en commun entre tous les humains. C’est être radicalement engagé dans le projet de Dieu car seul Dieu donne le pardon. Lorsque je suis amené à le donner c’est que j’ai accepté au préalable de le recevoir. Je ne peux pas donner ce que je n’ai pas reçu !

Je viens donc de poser quelque peu le cadre pour vivre notre thème « osons le pardon ». ce que je vous ai partagé, c’est basique, volontairement. On pourrait presque dire « y a qu’à » sauf que ça ne fonctionne pas ainsi. Alors tentons de partager entre nous, ce qui nous empêche le plus d’avancer sur ce chemin.

Surement avez-vous déjà vécu le pardon, que quelqu’un vous l’a donné. Prenez le temps de dire comment vous avez vécu cela ? qu’est-ce-que ça a produit en vous ? qu’est ce que ça eu comme conséquence autour de vous ?

Quels liens faites-vous entre ce que vous vivez et le reste du monde ? Est-il facile de percevoir que ce que je fais d’une manière personnelle ça peut avoir des conséquences planétaires ?

Chacun de vous a très certainement déjà donné un pardon à quelqu’un qui vous a offensé.

Qu’est-ce-que cela a demandé pour le vivre ?

Comment ça a été perçu ?

Qu’est-ce-que ça a produit en vous et en l’autre ?

 

2- Jésus a osé le pardon (Père Christian Labourse)

Matthieu 9, 9-14

09 Jésus partit de là et vit, en passant, un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de collecteur d’impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit.

10 Comme Jésus était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) et beaucoup de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples.

11 Voyant cela, les pharisiens disaient à ses disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? »

12 Jésus, qui avait entendu, déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades.

13 Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. »

14 Alors les disciples de Jean le Baptiste s’approchent de Jésus en disant : « Pourquoi, alors que nous et les pharisiens, nous jeûnons, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? »

 

Jésus vient au-devant de Matthieu. Il rejoint alors que Matthieu est à son bureau. Le travail de Matthieu consistait à ponctionner les pauvres, à profiter des autres. C’était un collecteur d’impôts, un publicain… Les collecteurs d’impôts étaient voués au mépris général parce qu’ils étaient au service des romains et sans pitié… ils exerçaient leur profession en se gratifiant eux-mêmes au détriment de leurs compatriotes. On comprend le reproche de plusieurs s’adressant aux disciples de Jésus : « pourquoi votre maître mange-t-il avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs ? »

Matthieu trouvait normale sa profession et c’est Jésus qui va l’inviter à s’en sortir. Jésus aide Matthieu à prendre conscience du mauvais rôle qu’il exerce auprès du peuple…

Jésus aidera aussi la samaritaine à revoir sa vie. De même pour la femme adultère ou pour Madeleine ou encore Pierre…mais restons avec Matthieu.

Jésus s’approche de lui alors que tout le monde le fuyait et le détestait… Jésus regarde Matthieu « Jésus vit en passant…Matthieu… ». C’est un regard d’amour… Aucun jugement n’est porté de la part de Jésus mais simplement un appel « Il lui dit : « suis-moi ! ».

Matthieu n’en revient pas. Jésus le connaissait, Jésus s’adressait à lui et souhaitait sa présence auprès de Lui : suis-moi… 

Résultat : Matthieu se lève et il suit Jésus tout de suite, là, devant tout le monde, devant les gens biens qui sont scandalisés, interloqués devant les pécheurs plutôt étonnés, eux aussi, et bouleversés.

Et c’est, tout d’un coup, une grande ruée de pécheurs vers Jésus. Matthieu fait un grand festin dans sa maison… « voici que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent se mettre à table avec Jésus et ses disciples … ».

On est entre pécheurs. On se confesse ensemble. On est pardonné ensemble et on fait la fête.

  • Mais les pharisiens et les scribes crient au scandale Jésus leur rétorque : « ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin du médecin mais ceux qui se portent mal ».
  • Allez apprendre ce que signifie « Je veux la Miséricorde et non le sacrifice ». En effet, je ne suis pas venu pour appeler les justes, mais les pécheurs ».
  • Nous avons, nous aussi, à apprendre ce que représente la Miséricorde de Dieu. Relisons pour cela le chapitre 15è de St Luc : ces merveilleuses histoires (paraboles) de tout ce qui était perdu et qui finit par être retrouvé : la brebis perdue, la drachme perdue, l’enfant perdu.

Toutes ces histoires se terminent de la même manière, triomphale et pleine de tendresse.

  • « Réjouissez-vous avec moi car j’ai retrouvé ma brebis qui était perdue »
  • « Je l’ai retrouvée la drachme que j’avais perdue »
  • « …mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie… »
  • « C’est ainsi, je vous le dis, qu’il naît de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. »

C’est donc bien la Miséricorde que Jésus attend de nous. C’est l’Amour que Jésus attend de chacune et de chacun d’entre nous. Il faut y insister car c’est sans doute sur ce point que nous avons le plus besoin d’un retour à l’essentiel, d’un retour à l’Evangile.

A l’époque de Jésus, les pharisiens donnaient une importance énorme aux pratiques extérieures : mains lavées, aspersions d’eau, purification des coupes et des cruches et quantité de traditions, des coutumes et des lois… Jésus, lui, voyait plutôt le péché dans le cœur de l’homme et tout particulièrement dans ses attitudes envers les autres. « Et il disait : ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme pécheur. Car c‘est du dedans, du cœur des hommes, que viennent les pensées mauvaises : fornications, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fourberie, débauche, envie, diffamation, orgueil, déraison. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans et rendent l’homme pécheur, impur. (Mc 7, 20-23)

« Mais, de manger sans s’être lavé les mains ne souille pas l’homme » (Mt 15,20)

C’est la seule énumération de péchés, le seul « catalogue » de péchés que qui nous vienne directement du Christ.

Tous se rapportent au prochain.  12 : le chiffre parfait c’est-à-dire que celui qui serait converti sur tous ces points, celui-là serait véritablement un saint.

« Bref, dit encore Jésus, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le aussi pareillement pour eux. » Voilà la Loi et les prophètes. (Mt 7,12)

Personne n’est parfait… Nous sommes tous pécheurs et c’est bien ce que refusaient de reconnaître les pharisiens.

Un jour, ces gens amènent à Jésus une femme surprise en flagrant délit d’adultère. Cette femme est convaincue de son péché mais les pharisiens, eux, ne sont pas du tout conscients du leur. Jésus les renvoie à leur conscience. « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre ». (Jn 8,7)

Lorsque tous les accusateurs de la femme adultère s’en sont allés en silence et tête basse, l’un après l’autre en commençant par les plus vieux, Jésus dit « personne ne t’a condamnée ». C’est équivalemment   confesser, que tous sont pécheurs mais aussi que tous ont fini par se reconnaître pécheurs et qu’aucun ne s’est finalement reconnu le droit de continuer à se croire meilleur que cette femme.

Le départ silencieux de chacun de ces hommes, c’était un aveu, une confession, une conversion. Et c’était de la part de Jésus, une absolution, un pardon, « personne ne t’a condamnée » : personne n’est plus à condamner ni toi ni eux.

Il est impossible de parler de la Miséricorde de Dieu sans recevoir l’enseignement que Jésus nous donne. L’histoire de cet homme qui avait deux fils ou plutôt qui n’en avait point du tout car l’un et l’autre de ces deux fils ne se sont conduits, d’aucune façon, comme des vrais fils.

Ni le plus jeune qui s’en va parce que son amour est ailleurs et qui survient finalement à sa déchéance en découvrant combien il était peu fils. « Père, je ne suis pas digne d’être appelé ton Fils… ».

Ni l’aîné qui avouera que son père n’était pour lui qu’un maître « voilà tant d’années que je te sers… »

En conséquence, ils ne sont pas non plus frères l’un pour l’autre.

Le prodigue le montre en refusant la communauté « donne-moi ma part… » et en quittant allègrement père et frère.

Le second en refusant d’accepter le retour et la réintégration du prodigue.

 

Double péché à découvrir par chacun. Double conversion, double retour à faire par l’un et par l’autre : retour au père, retour au frère, en même temps :

Conversion au père :

  • Pour l’aîné : « Toi, mon enfant, (prends conscience que) tu es toujours avec moi et (que) tout ce qui est à moi est à toi »
  • Pour le cadet : « Mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie. Il était perdu et il est retrouvé ! ».

Conversion au frère :

  • l’aîné disait « ton fils que voilà » et non « mon frère que voilà » … Son père le reprend : « ton frère que voilà » …
  • Le cadet revient d’être allé se ruiner à festoyer « avec des filles », l’aîné voudrait « festoyer avec ses amis ». « Mangeons et festoyons » ensemble dit le père. (Et non pas chacun de son côté). …

Car le péché, le seul péché, celui dont nous convainc le Père, c’est en même temps et d’une même démarche., de ne pas nous être montrés fils et de ne pas nous montrer frères. L’absence de fraternité, y compris avec le pécheur, est l’indice d’un manque d’amour filial envers Dieu., et vice-versa. Est-ce bien ce péché -là que mettent à nu nos confessions ?

Le sacrement de la pénitence est-il pour nous, vraiment et d’un même mouvement, réconciliation avec les frères et avec le Père, dans l’allégresse et la fête des retrouvailles : dans la Joie « pascale » d’une résurrection ?

Jésus nous révèle que Dieu est AMOUR. Jésus est venu et Il vient toujours pour les pécheurs. Jésus n’attend pas que l’homme pécheur revienne à lui.

Jésus va au-devant de l’homme pécheur. C’est parce qu’il nous aime que Jésus à notre recherche sans cesse…

Dans l’Evangile, Jésus se révèle à nous comme celui qui cherche le coupable jusqu’à ce qu’il le trouve… C’est là l’enseignement qui nous est donné en Luc chapitre 15 :

  • Le berger qui cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ;
  • La femme qui déploie toute son énergie pour retrouver la drachme perdue.
  • Le père qui guette le retour de son enfant.

Et tout ce petit monde fait la fête après avoir retrouvé enfin qui sa brebis, qui sa pièce d’argent, et qui son enfant.

A l’origine de toute vraie conversion, il y a ce regard de Dieu sur le pécheur, cette poursuite d’amour, cette peine qu’Il se donne jusqu’à la croix et ce pardon donné d’avance…

L’homme pécheur, imparfait, quelques soient les fautes qu’il ait pu commettre, quelque soit son infidélité et son manque de confiance et d’amour de Dieu doit savoir l’estime et l’amour dont il reste l’objet de la part de Dieu.

Prenant réellement conscience de tout cet amour de Dieu… l’homme pécheur se décide à changer de vie et à se convertir.

Pierre a renié Jésus… Il n’a plus qu’à sombrer dans le mépris de lui-même et dans le désespoir… mais voilà que Jésus regarde Pierre… et tout est changé : dans ce regard passe l’amour de toujours… Jésus n’a pas changé ses sentiments vis-à-vis de Pierre et c’est même à Pierre qu’il va confier son église. Même après le reniement de Pierre, Jésus a toujours envers lui le même amour et la même confiance…

Matthieu, quant à lui, était indifférent par rapport à Jésus. Mais Jésus le regarde lui aussi. Jésus vient au-devant de lui, le visage et le cœur ouverts. Jésus ne s’occupe pas de son ignoble métier mais Jésus offre son amitié et il invite Matthieu à sa suite… rien que ça !

Et du coup, autour de Jésus, c’est le rush des publicains et des pécheurs parce qu’il y a une « bonne nouvelle » pour eux.

Dieu les aime (Mc 2, 13-15) et ils le suivent. Ainsi en fait-il de Zachée, de la femme adultère, du brigand sur la croix et de la samaritaine. Tous ont compris que Jésus les aimait et les aimait à la folie. Jésus montre bien cet amour de Dieu à travers ce fils qui revient « comme son fils était loin, son père l’aperçut (le regard) et fut bouleversé de compassion. Il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers » (Lc 15,20)

Voilà ce qu’est la confession :

Alors, finis les petits problèmes de savoir si on a vraiment la contrition… Où avez-vous vu ça dans l’Evangile ?

  • Mais je n’ai pas « récité » l’acte de contrition…
  • Mais je ne sais pas si mon « attrition » est vraiment pénétrée d’un commencement d’amour de Dieu…
  • Mais j’ai bien peur de n’avoir pas « la ferme résolution » de ne plus pécher… Vous voyez bien : je retombe toujours dans les mêmes fautes…

 

Le sacrement de la pénitence n’est pas une négociation avec le Christ : il ne met pas de préalable. Il commence par aller au pécheur ; il commence par pardonner. Et après, parfois – deux fois : Jean 5, 14 ; 8, 11 – Il ajoute : « Va, et ne pèche plus », parce que bien sûr, une réconciliation, c’est sérieux ; alors Jésus donne un avis, il exprime une espérance d’amour. Mais dans l’Evangile, je le répète, ce n’est jamais un préalable. Et jamais non plus il ne demande une promesse. Il connait trop l’homme ! Il sait bien que c’est son amour, en se manifestant davantage, qui dégoûtera le pécheur de son péché.

Celui qui a dit deux fois : « Va, et désormais ne pèche plus » est aussi celui qui a dit que ‘on doit « pardonner, non pas 7 fois, mais 70 fois 7 fois ! ». (Mt 18, 22) Parce que c’est le propre de l’amour de pardonner toujours. Toujours et d’abord.

Nous ne venons pas nous confesser pour ne plus recommencer, non. Mais, sincèrement désolés d’avoir recommencé, nous venons chercher l’assurance que l’Amour de Dieu recommence toujours à pardonner. Parce qu’il ne cesse jamais. C’est une manière d’exprimer que nous pouvons toujours recommencer à aimer, alors même que, hélas ! nous recommençons toujours à pécher.

Dieu est fidèle. « Si nous sommes infidèles à Jésus Christ, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2 Tim. 2, 13)