Les ordres

 

Les communautés religieuses présentes sur le sol de notre paroisse antérieurement à la Révolution feront l’objet d’un chapitre séparé. Citons cependant dès à présent le prieuré de Saint-Jean-de-Côle et celui de Saint Nicolas de Rome dans la paroisse Saint-Romain Saint-Clément, l’abbaye de Boschaud près de Villars, affiliée à l’ordre de Cîteaux, comme sa voisine de Peyrouse, située sur le territoire de Saint-Saud-Lacoussière.

Évoquons plus complètement la situation de Thiviers qui fut avant la Révolution un important centre religieux [1]. Longtemps, la ville fut le siège d’un archiprêtré comprenant 24 paroisses. En 1641, elle rassemblait cinq couvents, dont les Capucins, las Cordeliers, les Pères de la Doctrine chrétienne et celui de Sainte-Claire. Mais le plus important fut le couvent Franciscain des Recollets. Il fut fondé en 1603 par Pierre Reynier, écuyer, sieur de La Glane, Latour et Autissot, conseiller esleu pour le roi en Périgord.  Sa chapelle fut consacrée l’année suivante par Mgr de La Marthonie, évêque d’Amiens. Mgr de la Béraudière, évêque de Périgueux (1614-1629) choisit leur maison pour y tenir un synode et elle devint une pépinière des autres maisons de cet ordre (Périgueux, Bergerac, Sarlat…). On soulignera leur rôle au service des paroisses environnantes : prédication et confession tiennent une place essentielle dans leur apostolat. Othon Fressange fut même vicaire à Mialet de 1729 à 1733 ; un autre frère recollet, Séraphin Seguin, lui succéda dans le poste de 1738 à 1742. A Saint-Pierre-de-Frugie, on trouve un autre exemple de cet engagement direct avec frère Jean Laborie en 1760. Le dépouillement de la liste des curés dans d’autres paroisses compléterait utilement cet aspect de leur œuvre.

Bâtiments et enclos des Recollets furent vendus nationalement le 15 février 1791. Ses immeubles, situés place du Peyrat, ont servi de mairie et de collège, et sa chapelle devint un minage pour la vente de grains et de denrées. 

Passons maintenant au XIXe siècle pour suivre les Prémontrés et surtout les Jésuites.

 

A- Les Prémontrés

 Cet ordre comptait encore en France à l’époque de la Révolution de nombreuses abbayes. Il se reconstitua vers 1859 et la maison de Boni, où ils vinrent, devait être leur troisième implantation.  Ainsi se concrétisait le souhait d’Augustine Faure (1826-1880) de voir sa maison de vacances devenir un monastère.   Après quatre ans d’attente, les Pères furent installés le 27 mai 1877 par Mgr Dabert, évêque de Périgueux et Sarlat. Il les chargea du service religieux de la paroisse, posa la première pierre d’un nouveau couvent et d’une nouvelle église. Mai, peu après l’histoire tourna court, les religieux durent renoncer sous l’effet des lois prohibitives à l’égard des congrégations qui remirent en cause la transaction réalisée par la généreuse initiatrice et donc leur implantation sur notre sol.

 

B- Les Jésuites

 Les membres de la compagnie de Jésus eurent un rôle relativement complexe qui se manifesta sous différentes formes, jusqu’à Toulouse, Périgueux et Bordeaux. Localement, ce sont d’abord ses recruteurs qui arpentent la campagne pour remplir les bancs des futurs retraitants. Ce sont ses promoteurs qui animent la Jeunesse agricole catholique (JAC) dans la région. Ce sont ensuite ses prédicateurs qui participent à la vie des paroisses environnantes. Ce sont enfin certains de ses membres qui seront détachés à temps plein au service des paroisses.

 

  •  Notre-Dame-du-Bon-Conseil, maison d’exercices spirituels

 

La Barde en 2012

 

Pour éviter les déboires que connurent les Prémontrès, le don de La Barde fut soigneusement réglé. A cette époque, la loi interdisait aux religieux non autorisés « d’être et de posséder ». Henri Potron, pressenti par le P. Puppier-Girard, se révéla être l’homme idoine pour porter La Barde, cet homme de bonne volonté « acceptant les ennuis et les complications de posséder pour autrui ».

Personnalité de premier plan, Henri était chevalier de la Légion d’honneur et maire de Presles (Val-d’Oise), commune dans laquelle était situé le château de Courcelles, son domicile.

Il était le frère du R.P. Maurice Potron, S.J., polytechnicien et mathématicien, condisciple du P. Pupey-Girard à Sainte-Geneviève où ils préparaient les élèves aux concours des grandes écoles. Dès que furent connues les dispositions de Mme GAY en sa faveur, Mgr Odelin, vicaire général de Paris, écrivit à l’évêque de Périgueux et Sarlat pour le rassurer et lui dire ce qu’il savait « sur la famille Potron, si complètement dévouée aux œuvres, et qu’il connaissait tout particulièrement [2].

Ce dernier, accaparé par d’autres chantiers, souhaita assez vite se dégager. La recherche d’une solution dura 10 ans en raison de sa volonté d’imposer à ses successeurs la clause de comblement de déficit qu’il avait lui-même acceptée lors de la succession Gay. Le relais fut enfin trouvé le 14 mars 1936, La Barde put être vendue pour 40.000 francs à trois personnes dévouées : Pierre David [3], Jacques Piollet [4] et Marie-Louise Pornin.

Dix ans plus tard, Joseph Saint Martin reprit les parts de Mlle Pornin pour 60.000 francs, le 27 février 1946 [5].  Joseph est le dernier frère du P. Jacques Saint-Martin, lui-même fort investi dans l’œuvre de La Barde où il fut longtemps en charge de responsabilités (cf. infra). 

En 1950, des raisons fiscales et sociales conduisirent rechercher une nouvelle formule pour cesser de faire porter La Barde directement par des personnes physiques. On s’orienta vers la création d’une association Loi de 1901.

Le 18 décembre 1950, les apports purent être enregistrés chez Me Verjus, notaire à La Coquille. Le premier président du conseil d’administration de l’Association Notre-Dame du Bon Conseil fut André Muratille, assureur à Limoges.

C’est sous ce statut que le centre spirituel de La Barde poursuivit ses activités jusqu’à la fin en 1983.

 

Il est temps maintenant d’évoquer l’œuvre des Jésuites en ce petit coin de Périgord.

 

  1. La phase de démarrage (1909-1920)

En plaçant leur nouvelle maison sous la protection de Notre-Dame-du-Bon-Conseil, les Jésuites firent un choix évocateur. Le culte de Notre-Dame-du-Bon-Conseil a pris naissance au sanctuaire de Genazzano (à 40 kilomètres de Rome) dans la seconde moitié du XVe siècle. Une veuve tertiaire augustinienne, Petruccia, mit ses biens à disposition pour restaurer une vieille église. Une image de la Vierge, honorée à Scutari en Albanie, lui serait apparue le 25 avril 1467. Elle est fêtée depuis chaque 25 avril.

Pour la conduire dans ses premiers pas, la maison fut placée d’abord sous l’autorité du supérieur de la Résidence de Montauban (1909) puis de celui du Collège de Sarlat (1911-1919).  Ensuite son directeur fut autonome.

Son premier directeur fut le P. Antony Boissel [6], ancien économe du petit séminaire de Bergerac. Il fut épaulé par le P. Paul Genestout, prédicateur de retraites annuelles et, à partir de septembre 1911, le P. Eugène Ibos (1859-1944) [7].

Dans sa première lettre du 10 mai 1909 à Henri Potron, le P. Boissel écrit :

Me voici à La Barde. IL serait nécessaire de procéder au plus tôt à l’installation d’une chapelle sans laquelle l’œuvre ne serait pas possible. Veuillez donc m’autoriser à faire entreprendre les travaux dans l’aile nord-est, là où les chambres sont inachevées. Je   devrais en même temps faire mettre deux ou trois chambres en état par le plâtrier, une seule couche suffirait à les rendre convenables… Il semble que pour recevoir les retraitants, une grande propreté s’impose…

Les deux demeureront, par lettres, télégrammes ou visites, en relations constantes, rien ne se faisant sans l’accord du second. Après concertation avec Madame de Tanquerel, il demanda à la nouvelle communauté de prêtres de prendre en charge le service de l’aumônerie de Sainte-Marie.

 

La Barde ouvrit ses portes aux premiers retraitants le 9 juillet 1909 avec 10 participants. De nombreux facteurs freinèrent ses débuts : l’absence de chauffage qui rendait impossible toute réunion pendant la période hivernale, le faible nombre de chambres, le défaut de transport organisé entre la cité voisine de La Coquille et La Barde… Il était difficile d’y porter rapidement remède, le cadre juridique retenu faisant obstacle aux investissements. Il fallut faire avec et se donner du temps… Solution de fortune, le P. Balencie eut l’idée de transformer à peu de frais l’ancienne orangerie en chapelle.

A l’issue de cette première année, les résultats furent modestes : huit retraites furent prêchées pour un total de 95 participants pour la plupart venus des diocèses voisins de Périgueux et Limoges, représentant quinze départements. L’année suivante ce chiffre passa à 220, et en 1912 il fut en nette progression, atteignant le chiffre de 420.

Le P. Boissel fit part de ses objectifs :

Le bien est commencé…Il faut l’étendre. Pour cela, faire de la place dans la maison pour ne plus avoir à refuser les bonnes volontés. Puis étudier la région et réunir en nos archives les adresses qui nous permettront d’aller réveiller partout les âmes chrétiennes. Nous voulons aider à créer dans les paroisses les œuvres, les élites nécessaires à l’Apostolat.

Il convient de souligner la part prise par le P. de Lostende comme « recruteur » pour le décollage de l’activité. Sa nomination tenait en partie au fait que sa famille avait des attaches avec la région [8].

Nous avons de lui un tableau attachant.  « De petite santé, ne pratiquant pas la bicyclette, mais marcheur infatigable, il allait à pieds par tous les temps, en hiver par les prairies boueuses, dans les villages et les localités les plus éloignées, chez les curés, chez les paysans, chez les propriétaires, plaider la cause des Exercices ignaciens et y amener des volontaires. Infatigable, oui et non : Homme soigneusement réglé, précis et méthodique, il faisait tout mathématiquement. Il avait déterminé que ses forces lui permettaient de marcher tant d’heures de suite, et pas davantage. Un soir sans lune – nuit d’été heureusement -, il revenait d’une de ces lointaines randonnées et s’égara complètement. Il ne savait plus où il était. Il regarda sa montre – je marche depuis quatre heures. Inutile de vouloir aller plus loin : il se couche au pied d’un arbre, s’endort et, quand il se réveille à l’aurore, constate qu’il est dans un bois de la colline de Saint-Priest-les-Fougères, en face de La Barde, qui est à dix minutes de marche et dont les fenêtres lui renvoient déjà, en le narguant, les premiers rayons du soleil ».

A partir de 1912, le P. Ibos assuma la direction. Il allait avoir la responsabilité de conduire l’heureux développement de cette maison pendant 33 ans, soit jusqu’en juillet 1944. Tantôt il ne ne gouverna qu’elle, tantôt il fut aussi en charge de la Résidence de Limoges (à partir de 1920).

 

Mais la maison subit un coup d’arrêt en raison de la première guerre mondiale. Le 12 septembre 1914 La Barde fut réquisitionnée pour être l’ambulance auxiliaire de l’hôpital bénévole n° 63 bis, basé à Sainte-Marie-de-Frugie, dans la maison de retraites spirituelles dédiée aux femmes, elle aussi transformée. Cette annexe de 40 lits fonctionna jusqu’en février 1916 [9]

 

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Transcription du texte figurant au bas de la demande de bénédiction apostolique : Très Saint Père, Le P. Eugène Ibos S.J. Directeur de la Maison de Retraites, à La Barde (Dordogne) humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté lui demande pour lui-même, pour ses  collaborateurs, pour les bienfaiteurs de l’œuvre, pour les prêtres et  laïques qui viendront faire les exercices spirituels à La Barde et présentement pour les malades et blessés et personnes de l’ambulance, la bénédiction apostolique. 20 avril 1915.

 

 

 

 

La Barde ne reprit son fonctionnement normal qu’après la première guerre.

Fait notable, en 1926, on put utiliser la chute d’eau de l’étang pour produire l’électricité nécessaire pour l’éclairage [10]. Étendue au chauffage, son utilisation fut un échec. Trois ans plus tard, on installa une chaudière pour le chauffage central.

Le P. Philippe Balardy devint directeur des retraites en 1927.

Deux autres personnalités furent affectées en 1928, la première, le P. Maurice Morel [11] comme adjoint, le P. Saint-Martin [12], en place depuis 1925, comme ministre.

 

 

  1. 1936, la modernisation

 Le passage de témoin d’Henri Potron (1936) et un important don providentiel de la famille du P. Saint Martin ouvrirent enfin la voie à d’importants travaux. L’activité soutenue du centre incitait fortement à les entreprendre. Cette vague de travaux bénéficia aussi de l’entrain du P. Morel et de son entourage. A la chapelle, il était des jours où il était impossible d’entrer et même de se remuer ; de même le nombre de retraitants imposait souvent le dressage de tables supplémentaires dans le hall d’entrée pour les repas.

 

La Barde, intérieur de la nouvelle chapelle

 

Ces aménagements furent conduits à partir de 1938. La Barde fut dotée d’une nouvelle chapelle, d’une salle de réunion plus vaste, d’un nouveau réfectoire et de chambres supplémentaires. La fin des travaux fut célébrée avec éclat le 18 avril 1939.

Les événements à venir allaient rendre cette capacité d’accueil agrandie encore plus précieuse qu’on aurait pu l’imaginer.

Dans l’immédiat, une part croissante de l’activité fut dédiée au développement de l’animation de la jeunesse rurale au sein de la J.A.C.

 

  1. Les parenthèses inattendues

– La première fut, nous l’avons vu, un effet de la Grande guerre, avec la réquisition des locaux pendant seize mois.

– La seconde eut lieu en 1932 avec l’accueil des Jésuites espagnols.

A cette date, une première vague d’anticléricalisme chasse d’Espagne les Jésuites. Dix-neuf philosophes stochastiques, leurs quatre professeurs et un frère coadjuteur en philosophie furent très heureux de trouver asile à La Barde.  Expulsés d’Ona, ils arrivèrent dans les costumes les plus hétéroclites, armés de colis extraordinaires. La maison les garda deux mois, avant qu’ils ne repartent pour le Portugal. Leur présence gêna à peine l’activité des retraites.

 

– Les deux suivantes furent liées à la guerre de 39-45.

Cette fois ci, les événements furent à la source d’une interruption de l’œuvre des retraites. Elle dura sept ans.

Tout d’abord en 1939, le Gouvernement ayant décidé par prudence d’évacuer une partie de la population alsacienne, la Dordogne devait recevoir les évacués du Bas-Rhin. Le 8 septembre, la maison fut réquisitionnée et hébergea un groupe de 53 personnes. Avec la déroute de juin 40, une vingtaine de lorrains vint grossir leur nombre. Quelques mois après, en août 1940, les Alsaciens purent rentrer chez eux. Cette année-là, le cahier de réservation resta sur une page blanche à partir de la 13e  des 30 retraites prévues.

A la suite, la Compagnie décida l’installation du 3e an à La Barde à partir du 30 septembre 1940, pour les jeunes jésuites des provinces de Toulouse et de Champagne ayant achevé leur théologie. Pendant six ans, La Barde devint maison de troisième probation jusqu’à fin juillet 1946, accueillant une vingtaine de prêtres par session. Chaque participant apportait une aide appréciable aux paroisses environnantes. L’un d’eux, le P. Mourren, fit fonction d’aumônier au camp d’internement de Nexon. D’autres restèrent plus longuement, tel le P. Mastagli, arrivé en 1941 et resté jusqu’à la fin de la guerre, principalement au service de la paroisse de Mialet et de celle de Saint-Jory-de-Chalais [13].

 Les instructeurs furent d’abord le P. Léon Aurel, puis au décès de ce dernier (5 août 1943), le P. Maxime de Bazelaire.

Le troisième an fut transféré à Ineuil dans leur maison du Cher. La maison reprit sa vie normale et l’activité retrouva son rythme d’avant-guerre.

 

  1. Les années et les hommes d’après-guerre

Le P. Balardy eut pour successeurs le P. de Bazelaire, nommé supérieur le 31 juillet 1944, charge qu’il assuma jusqu’au 31 juillet 1946.

Son ancien adjoint, le P. Maurice Morel, prit le relais, pour peu de temps car il devait s’effondrer le 13 septembre 1957, victime d’une hémiplégie, et décéder deux jours plus tard. La mort de cet homme particulièrement actif, présent depuis si longtemps à La Barde, marqua profondément ceux de sa communauté et les nombreuses personnes qui l’avaient côtoyé au service des paroisses environnantes. Ses obsèques se déroulèrent à La Coquille en présence de Mgr l’évêque de Périgueux, d’une cinquantaine de prêtres et d’une assistance nombreuse.

Le P. Saint-Martin, adjoint fut en charge du personnel et de l’accueil des retraitants.

Le 2 février 1950, le P. Georges Baixas remplace le P. Abel Loiseau ; il a 37 ans et sillonnera le pays pour ce que La Barde appelle « son recrutement » : aller voir les gens, les inviter à une retraite. Il restera jusqu’au 1er juillet 1980.

Au cours de la période les travaux principaux portèrent sur la réfection en 1949 du bâtiment de l’ancienne filature, devenue buanderie.

Les retraites étaient le plus souvent rythmées ainsi : mai et juin accueillaient les élèves en fin d’études des collèges de Limoges, Périgueux, Sarlat, Bordeaux, etc. ; en août et septembre venaient les prêtres ; l’hiver était le temps des agriculteurs. 1948 est aussi l’année où furent lancées avec succès les retraites de foyers.

 

  1. La relance de la maison (1958)

le P. provincial, un périgourdin, le P. Bru dut se confronter avec la décision de fermer La Barde, faute d’hommes à y mettre pour assurer la relève. Il consulta notamment son ancien camarade de captivité, M. de Magondeau (1902-1993) qui à l’époque habitait La Coquille.

Tout bien considéré, il décida de la relancer.

Il nomma comme supérieur le P. Pierre Exbrayat le 17 décembre 1957. Ce dernier, qui venait de leur maison d’Ineuil dont il était recteur, fut secondé par le P. N. Gony, économe en remplacement du P. Jean Charles, parti à Mont-Caussens.

Le P. Exbrayat resta supérieur  jusqu’en 1964, puis il prit les fonctions de ministre, jusqu’au 1e juillet 1970 où il rejoignit la Maison Saint-François Régis à Toulouse.

En quelques années il change le visage et l’allure de la maison : Il y met l’eau de la commune, car la source ne donne plus (mais bientôt il la ressuscite), le gaz, l’électricité (1960) car celle issue de la turbine de l’étang est devenue très insuffisante. L’eau est maintenant dans toutes les chambres.

Il utilise une auto, c’est nouveau à La Barde, et va jusqu’en Espagne (12 juillet 1960), d’où il ramène deux des quatre religieuses « servantes du Christ-Roi » qui prendront en charge les services intérieurs (cuisine sacristie, lingerie, entretien). Tout le monde apprécie la propreté et la bonne tenue de la maison depuis leur arrivée.

Il fait construire la grande salle vitrée vers l’étang, aménage cinq chambres donnant sur la cour intérieure (1962) et onze autres dans la vieille grange (1968-1969). Il fait planter des hectares de sapins, des arbres fruitiers…

 

  1. Et son cinquantenaire, le 20 mai 1959

 Le cinquantenaire de la maison fut célébré en même temps que celui de la vie religieuse du père Saint-Martin.

En présence des évêques de Périgueux, Limoges, Tulles et du vicaire général d’Angoulême, des prêtres nombreux et une vingtaine de Pères. Le P. Guizart retraça l’historique de la maison. A l’issue de la messe célébrée par le R.P. Provincial. A cette occasion, le vestibule et la salle de conférences ont été repeints grâce au dévouement du frère Henri de Taffin [14].

En Juillet 1958, le père F. Galen vint renforcer l’équipe. On fêta son cinquantenaire de vie religieuse le 7 janvier 1960. Il resta jusqu’au 31 juillet 1970.

Le P. Baixas fut remplacé dans sa fonction par le P. Gilis ; en juillet 1962, ce dernier est nommé sous-ministre, chargé du recrutement des retraites.

Le P. Jacques Astruc, arrivé le 13 septembre 1964, est nommé supérieur le 1er juillet 1965 Son ministère dura sept ans [15].

Le 22 août 1965, le P. Joseph Dormier est mis à disposition du P. ministre.

Le père Mortier succède au P. Exbrayat comme ministre au 1er juillet 1970.

Le P. Joseph de Vandière, nommé à la cure de Jumilhac et de Sarrazac, est rattaché à La Barde le 31 juillet 1970 [16].

 

 

 

  1. Le bouquet final

Au cours de cette dernière période, les principaux mouvements furent :

– Le 1er juillet 1972, le P. Armand Jaudronnet est nommé supérieur ; il arrive le 21 septembre de la résidence de Nantes. Il a la mission de voir si et comment La Barde peut se maintenir.

– Le 31 juillet 1973, ce fut l’arrivée du P. Colombel comme adjoint du P. directeur et aumônier d’action catholique rurale.

– Le 1er juillet 1974 Le P. Paul Noël Dujarrier est nommé animateur.

– Le 1er juillet 1977, nomination de François Xavier Audic ; il quittera en juillet 1982.

– Le 1er juillet 1979, Georges Bohuon est nommé supérieur et directeur du centre spirituel.

– Le 1er juillet 1982, le P. Raoul de Prémorel remplace le P. Baixas, nommé à Pau

Les religieuses espagnoles furent relayées fin septembre 1974 par des sœurs de Saint-Joseph de Bordeaux (Gisèle Simon, Annick Delapierre, Rose Marie Decharry et Madeleine Leciaguecahar). Leur rôle sera étendu et elles furent partie prenante de la marche spirituelle.

Leur arrivée concorde avec le jaillissement d’une multitude de propositions nouvelles ou de détente, qui vinrent s’ajouter aux activités classiques. Les calendriers diffusés habituellement à 2000, le furent à 12000 exemplaires. Des salles nouvelles furent ajoutées, ainsi que des possibilités de camping. Cette politique porta ses fruits mais, après un pic enregistré en 78-79, les activités déclinèrent.

 

  • L’antenne de Châlus

Vue la diminution du nombre de prêtres dans son diocèse et face à l’importance des besoins, Mgr l’évêque de Limoges a confié aux jésuites le secteur de Châlus en 1965.

Ils seront présents pendant plus de 20 ans.

Ils formeront deux communautés rattachées à La Barde jusqu’en 1983 : Châlus et Piégut.

Au début, ils couvriront 6 paroisses auxquelles s’ajoutera Champsac en 1967.

En 1976, l’équipe pastorale et les isolés travaillant en milieu rural sont rattachés à La Barde. Selon le R.P. provincial, cette unification vise à prendre davantage acte de la mission apostolique en milieux ruraux déchristianisés confiés en particulier par les évêques de Périgueux et de Limoges à la Compagnie.

En 1981, l’équipe prendra en charge Bussière-Galant et Saint-Nicolas Courbefy à la place de Marval et La Chapelle-Montbrandeix, rattachées à Saint-Mathieu.

En septembre 1980 quatre religieuses vont s’installer à Châlus et apporteront leur renfort à l’équipe.

Cette mission s’exercera encore trois ans après la fermeture de La Barde.

Quelques noms :

– Les premiers nommés furent les P. Bertrand, Choisy et Couraud.

Le P. Bertrand partit en février 1966 et fut remplacé par le P. Cabane.

Le P. Couraud partit fin août 1968.

– En 1967, un périgourdin d’origine, le P. Henry Laporte arrive pour prendre en charge Pagéas. Cette année arrive aussi le P. Jean de Rochebrune.

– En 1973, le P. Maurice Du Mortier, ancien de la province de Belgique devint curé de Champagnac.

– Le P. Olivier Morin prit en 1982 la charge des paroisses de Pageas, Flavignac, Les Cars, Lavignac.

Après 12 ans d’exercice à l’antenne de Châlus, en décembre 1985 le Père Olivier Morin choisit la Malaisie et l’île de Pulau-Bidong pour veiller sur un camp où étaient massés de nombreux réfugiés du Viet-Nam. A l’époque ces derniers avaient réussi à fuir le régime, la persécution religieuse et les camps de travail, mais à quel prix, sans certitude de réussite, compte tenu des nombreuses tempêtes en mer de Chine et des pirates qui sévissaient. Lors d’un passage à Châlus, le 20 février 1987, Olivier évoqua la vie des camps, le travail extrêmement prenant qu’il assumait et la quête de fonds qu’il menait auprès des organisations internationales.

En 1991, il fut nommé en Thaïlande à la tête d’un centre de détention. Il a témoigné de cette période à plusieurs reprises sur Youtube. Depuis 2010, il est à Chiang Mai, dans un centre de retraite d’une capacité d’accueil de 40 personnes. Avec quatre autres Jésuites, il accueille de nombreuses personnes, catholiques, protestantes et même bouddhistes, pour réfléchir et prier ensemble.

Son dernier passage dans notre région remonte au mois de juillet 2015 où il célébra la messe en l’église de Champsac, lieu où a été prise la photo jointe.

 

– Le P. Michel Choisy partira en septembre 1979 au milieu des cadeaux, des larmes et sans cesse des « Vous reviendrez ». Il revint en 1981 en renfort de l’équipe de Piégut, puis il assura la succession de M. l’abbé Danède à la tête de la paroisse de Saint-Saud (17/09/1983-2/05/19884); Michel BROUTA lui succéda (12/05/1984-04/09/1988),

– Le P. Jean de Rochebrune part en 1980, il est remplacé par le P. Xavier du Penhoat qui passera deux ans en charge de Chalus et Piégut [17]. Son remplaçant fut le P. Louis Dattin (Champsac, Dournazac, Bussière-Galant, Saint-Nicolas Courbefy ainsi que Châlus et les deux maisons de retraite).

– En 1981, c’est le départ du P. François Audic.

 

Fin de mission des Jésuites et nouvelle destination des lieux

 La Barde cessa d’être un centre spirituel en 1983. Plus de vingt mille personnes y furent accueillis. Les Jésuites et certains laïques ne ménagèrent pas leurs efforts pour trouver à cette maison la meilleure utilisation.

Avant de poursuivre, relayons la conclusion du discours du P. Exbrayat à l’occasion du cinquantenaire de La Barde :

Quand on a besoin de bois, on n’hésite pas à couper un arbre rabougri dont les branches à moitié desséchées annoncent l’extinction prochaine de la vie. On hésite par contre à abattre un arbre vigoureux dont le ton vif du feuillage, les fruits abondants, témoignent de sa vitalité, de sa croissance continue, de son enracinement profond dans un sol riche… Y mettre la cognée paraîtrait un crime, une folie.

Selon le docteur Jacques Gay, Christine Laleu et Claude Boyer, habitants de La Coquille, unirent leurs efforts pour la faire acquérir par la commune de La Coquille. Dans un deuxième temps ils se mirent en recherche d’une œuvre sociale et pensèrent la trouver en la personne de Jean-Luc Lahaie (Sud-Ouest du 30 novembre 1986). Son association, peu enthousiaste au début, finit par se décider, à condition d’être locataire de la commune.

Le 24 avril 1987, le domaine et 33 hectares furent vendus à la commune de La Coquille pour 1.500.000 francs, à partir d’une estimation de 2.380.000 francs, ramenée au prix convenu en raison de son affectation à une œuvre à caractère social.

La somme fut reversée par la Compagnie de Jésus au nouveau locataire privilégié (location pour un franc symbolique) [18]. La fondation de Jean-Luc Lahaie pour l’enfance délaissée s’y installa, pour un temps très court. En effet, deux événements survinrent ; le premier fut l’opposition du préfet à une telle création car il estimait que les centres existants étaient suffisants. Le second fut la dissociation du ménage Lahaie ; Jean-Luc dut abandonner…

La commune tenta de prendre la suite (sessions de colonies de vacances, etc.) mais ce n’était pas suffisant.

Elle eut l’occasion de se défaire de la maison de La Barde en 2003 en la vendant l’association Zen Kansho, toujours présente à ce jour.

Elle rénova la vieille filature créée par Victor Gay ; elle allait devenir le siège de l’administration du Comité Syndical du Parc Naturel Régional auquel elle loue ces locaux.

Les bois ont été conservés au rang des communaux et leur gestion a été confiée à l’ONF…

 

[1] Source principale : https://www.shap.fr/2013-01-12-11-06-40/notices-brugiere

[2] On sait par ailleurs que le ménage, éprouvé par un drame familial, fit construire un orphelinat sur son propre domaine.

[3] Pierre David (1898-1987), X, époux de Jeanne Thévenin (1899-1995), petite fille de J.B. Lanxade, agent d’affaire dont la famille était originaire de La Coquille. Domiciliés à Paris, Pierre et son épouse possédaient une résidence à Montchaty, commune de Dournazac, conservée depuis par leurs descendants.

[4] Jacques Piollet († mars 1982), domicilié à Paris, puis à Montrem (Dordogne).

[5] Joseph Saint Martin (1894-1969), propriétaire agriculteur à Landry, commune de Boulazac, époux d’Henriette Négrier, et père de sept enfants.Il fut maire de sa commune pendant 25 ans, à partir de 1919, comme le fut son grand-père, Octave,  de 1881 à 1883.

[6] Antony Boissel, frère du chanoine Boissel qui dépendait du diocèse de Périgueux. Le choix de sa personne apparut comme particulièrement opportun vis à vis des prêtres du pays.

[7] Eugène Ibos (1849-1954), originaire de Galan (Hautes-Pyrénées) fut ordonné prêtre le 8 septembre 1886. Nommé en 1912 directeur de Notre-Dame-du-Bon-Conseil puis Premier supérieur de cette Maison de 1920 à 1944. Il s’éteignit à la Roseraie de Toulouse le 5 avril 1946.

[8] Cette famille, continuée par les Fraisseix de Veyvialle, était propriétaire de plusieurs centaines d’hectares sur Lavaud, Puyregonde et autres lieux dans la commune de Firbeix.

[9] Le couvent de Sainte-Marie, avec ses 80 lits, resta en fonctions comme hôpital volontaire jusqu’au 23 décembre 1918.

[10] Le 17 avril 1926, la SA des Chaîneries Limousines et Usines Électrique de la Gartempe à Bellac dépêcha un de ses membres pour procéder à des essais de turbine.

[11] Maurice Morel assuma la direction de Notre-Dame-du-Bon-Conseil à partir du 31 juillet 1946. Il fêta à La Barde sa cinquantaine de vie religieuse le 20 septembre 1952. Quelques années plus tard, victime d’une hémiplégie, il décéda le 13 septembre 1957. Ses obsèques se déroulèrent à La Coquille, en présence de Mgr l’évêque de Périgueux et Sarlat, d’une cinquantaine de prêtres et d’une assistance nombreuse. Il fut le premier jésuite inhumé au cimetière de La Coquille.

[12] Jacques Saint Martin (1892-1960), ancien élève du collège des Jésuites de Florennes (Belgique) fut l’un des premiers retraitants de Notre-Dame du Bon Conseil, où il vint réfléchir sur sa vocation en 1909 avec le P. Genestout, ancien condisciple de son père au collège de Sarlat. Orphelin de mère à l’âge de quatre ans, il fut élevé par son père ; ce dernier entra au séminaire de Périgueux une fois ses enfants élevés et fut ordonné prêtre le 4 septembre 1921. Mgr Légasse, évêque de Périgueux (1920-1931), le nomma aumônier général des confréries de Saint-Vincent-de-Paul et trésorier du premier essai diocésain d’action catholique.

Nommé à La Barde en 1925, Jacques remplit la fonction de ministre trois ans plus tard, puis d’adjoint du supérieur en 1957. Très dévoué, il fut un parfait maître de maison, veillant au confort de ses hôtes, au service abondant et à la bonne tenue de la table. Son zèle s’exerça dans les localités voisines au service du clergé des environs. Que de fois avec une vieille bicyclette il est allé assurer le service du culte dans les bourgs environnants, en aide ou en remplacement du desservant. Durant la guerre de 40, il assura seul l’intérim de Saint-Jory-de-Chalais (1945-1952), en maintenant son service à La Barde. En 1956, sa santé déclina ; victime d’une attaque, il fut transporté le 16 octobre 1959 à la villa Régis où il est décédé le 27 mai 1960.

[13] Le P. Pierre Mastagli (1908-1990) allait devenir une des gloires de la Faculté des Sciences de l’Institut Catholique de Paris, dont il fut le Doyen (1958-1968), et de l’École de Chimie (ESCOM)qu’il y a fondée en 1957 et où il a travaillé jusqu’à la fin. Il entra au CNRS en 1950 et finit Maître de recherches en 1978. Il était membre de la Société Chimique de France et de la Société Chimique américaine. Il présenta plus de cinquante publications à l’Académie des Sciences et plus de vingt à la Société chimique de France sur la catalyse en chimie organique.

[14] Henri de Taffin de Tilques (°Bergerac avril 1914, t 1993), frère de Louis, prêtre du diocèse de Périgueux et Sarlat, fit plusieurs périodes à la Barde ; la première débuta le 3 octobre 1946 et s’acheva le 31 juillet 1947. Mais il revint bientôt : il est noté dans les archives que le 17 août 1964 il tomba d’une échelle entraînant une fracture de son bras gauche.

[15] Jacques Astruc fut Père Maître, recteur de Sarlat, ministre au Mirail, avant d’être nommé supérieur de La Barde. Il est décédé le 5 janvier 1975, emporté par le cancer, édifiant ses pairs par la sérénité avec laquelle il accepta la terrible maladie qui l’emporta.

[16] Josèphe de Vandière de Vitrac, né au château de Montbrun, commune de Dournazac (Haute-Vienne) le 7 février 1919, décédé à Pau le 24 avril 1995, ordonné prêtre le 26 juillet 1953. Son frère de Martial (°Montbrun 6 novembre 1921 – † Limoges 13 mars 1998) fut prêtre du diocèse de Limoges.

Après ses études au collège Tivoli de Bordeaux, il entre à la compagnie de Jésus et est ordonné prêtre. Il occupe différents postes, dont celui de sous-ministre à Tivoli, a été rattaché à La Barde en 1970 et nommé aux cures de Jumilhac et de Sarrazac.  Son dernier poste fut celui de directeur la maison de retraite des jésuites de Pau. Chaque année jusqu’à sa mort, il revint pendant les vacances pour remplacer des prêtres de la région, principalement à Mialet et Saint-Saud-Lacoussière.

[17] X. Hervé Du Penhoat, né à Cleder (Finistère), décédé en septembre 2012, célébra en 1981 le mariage de sa nièce Jacqueline Du Penhoat avec Jacques-Régis Desbordes de Cepoy, dont la famille habite tout près de La Barde.

[18] Lettre du P. Maurice Mortier au docteur Jacques Gay du 22 février 1998.